Mirabilis, église des Trinitaires, Metz



Galerie Jours de lune, hors les murs

Commissaire d'exposition : Viviane Zenner

Réalisé avec le soutien financier du conseil départemental de la Moselle, de la direction régionale des affaires culturelles Grand Est et de la ville de Metz



© cécile hug

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Toute la Culture
Mirabilis, exposition de Cécile Hug, entretien avec l’artiste

© Anthony Bonici


23 AVRIL 2022 | PAR PAULINE LISOWSKI

Viviane Zenner invite Cécile Hug à proposer une installation in situ au sein de l’église des Trinitaires de Metz. Dans son exposition « Mirabilis », les rayons de lumière qui traversent les vitraux illuminent mille mirabelles que l’artiste a délicatement modelé.

Pauline Lisowski : De quelle manière la nature est pour vous source d’inspiration ?

Cécile Hug : La nature est davantage qu’une source d’inspiration. Elle est source de vie. Sans elle, on ne respire pas. Je l’observe, l’écoute, lui parle aussi parfois, et tâche humblement de lui rendre hommage à travers mes créations. Je la remercie. Elle m’inspire de mille façons. Là, par exemple, depuis les Pyrénées Audoises, où je vis désormais, lorsque je regarde par la fenêtre la colline située à ma gauche, un nombre incalculable de verts s’offre à mes yeux. Ce sont ces nuances que j’ai tenté de retranscrire avec cette allée printanière présentée dans la nef des Trinitaires.

Blé, olives, coquelicots, et mirabelles à présent, se retrouvent à profusion dans mon travail. Mais avant qu’ils trouvent leur place dans mes installations ou dessins, avant que je les façonne, il y a toujours une grande phase de contemplation, d’imprégnation.

Plus je grandis et plus je m’aperçois que la nature nourrit non seulement mon travail, mais aussi mes relations aux autres. Une relation, lorsqu’elle n’est pas intimement liée à la nature, n’en est pas tout à fait une à mes yeux. Elle marque peu mes souvenirs. Alors que quand je suis auprès d’une personne, et que tous deux nous nous imprégnons ; d’un arbre, d’un chaîne de montagnes, d’une rivière, quelque chose se passe. Quelque chose s’inscrit.

PL : Vous donnez à voir l’extraordinaire multitude de coloris et de formes des fruits et des feuilles. Vous nous incitez alors à contempler la beauté de ces mirabelles qui enchantent nos papilles. Au sol, celles-ci font écho au plaisir de la cueillette. Quelle est l’origine de l’installation ?

CH : Artiste cueilleuse, c’est ainsi que je me définis. Née au bord du lac Léman, de parents vignerons, j’appris très tôt à magner le sécateur, à observer avant de choisir la juste coupe, enfant je participais aux vendanges. Mon travail me permet de prolonger ce geste transmis.

Mirabilis est née d’une rencontre. Il y a plus de deux ans, après avoir vu mon installation à partir du poème de Garcia Lorca « Arbolé, arbolé » à l’occasion de ma résidence à Bocs Art en Calabre, Italie, Viviane Zenner, commissaire de cette exposition, m’a invitée à concevoir une installation pour les Trinitaires. Je l’ai interrogée sur les ressources naturelles de Lorraine. Elle m’a répondu : les mirabelles. Ça a été l’élément déclencheur. Un univers de jaunes se déployait déjà dans mon imagination. Mille mirabelles dans le chœur de l’église, à même le sol, telle a été ma proposition. Et puisqu’avant la récolte, il y a le printemps, cette allée de feuilles, dans la nef, m’est apparue comme une évidence. Je percevais la dimension de labeur qui s’ouvrait devant moi. Un travail qui allait s’échelonner dans le temps et qui allait me permettre de poursuivre mes recherches autour des répétitions et des variations. Mirabilis a mis deux ans à éclore.

La mirabelle est le fruit emblématique de Lorraine et bénéficie d’une indication géographique protégée, IGP. À Metz, elle est célébrée chaque année au mois d’août, avec une première édition en 1947 et une pérennisation à partir de 1954.

PL : Des souvenirs de contemplation, de récolte et de dégustation de ces fruits peuvent surgir en regardant vos œuvres, au sol… Quelles références ont nourri votre travail artistique ?

CH : La rencontre avec les visiteurs messins découvrant Mirabilis a été particulièrement émouvante. La mirabelle constitue leur patrimoine naturel. Nombreux sont ceux qui ont eu envie de partager leurs souvenirs d’enfance ; des moments de cueillettes, de saveurs. Nombreux sont ceux aussi qui savent que les récoltes sont hasardeuses et précieuses. Certaines années sont marquées par des gelées tardives. Pour que les fruits arrivent à maturité, il y a tout un ensemble de facteurs climatiques qui jouent un rôle essentiel.

Ce qui a accompagné, nourri ce travail artistique, c’est avant tout l’observation de la nature. J’ai essayé de me placer au plus près d’elle, de vivre à son rythme, d’avancer peu à peu. J’aurais envie de dire qu’elle a été ma seule référence.

Au commencement, il y a eu la récolte des mirabelles. Puis la phase de moulage, suivie par celle du plâtre. Enfin je les ai peintes une à une, en m’évertuant à reproduire toutes leurs variétés de couleurs. Mais bien que certains visiteurs puissent avoir l’illusion d’être face à de vraies mirabelles, je n’ai à aucun moment eu la prétention d’égaler la nature. Car quoi de plus beau qu’un véritable parterre de fruits tombés d’un arbre ? La pérennité, c’est peut-être ce que je leur ai apporté. Alors que les cueillettes de demain sont incertaines, mes mirabelles resteront mûres au fil des saisons. L’allée de feuilles sera toujours d’un vert printanier, comme si un avenir était encore possible. Et puis, il y a cet écrin, l’église des Trinitaires.

PL : Vos œuvres témoignent d’un long travail méticuleux, délicat de façonnage, puis de positionnement. De quelle façon l’architecture des Trinitaires vous a-t-elle guidé dans la mise en scène de cette installation ?

CH : L’architecture d’une église répond à des lois précises. Son orientation, la délimitation et le rôle des différents espaces ne sont pas laissés au hasard. Tout est savamment pensé. Et c’est en pleine conscience de la valeur architecturale et symbolique des Trinitaires que j’ai investi ce lieu.

Les feuilles vertes sont disposées dans la nef. Elles se situent dans le champ accueillant les fidèles. Nous sommes du côté de l’humain. J’ai voulu donner la sensation d’un alignement parfait. Les écarts entre chaque feuille sont millimétrés. Comme si les futurs printemps ne se construiraient pas sans effort.

En revanche, dans le chœur où se déploient les mirabelles, plus de mesures. Les fruits donnent l’impression d’être tombés de l’arbre de manière aléatoire et forment une constellation inversée. Nous sommes dans l’espace sacré, surélevé. Celui dans lequel les fidèles ne pénètrent pas, pas plus que les visiteurs. La mère nature donne à voir son offrande. On peut s’en rapprocher, mais pas y accéder.

PL : En ce début de printemps, l’installation amène à regarder au sol, plutôt que vers le ciel. Les fruits sont déjà tombés de l’arbre et il suffit de s’arrêter pour percevoir la diversité de leurs formes et couleurs. Quelle sensation souhaitez-vous provoquer chez le visiteur qui découvre l’exposition ?

CH : Porter son regard vers le sol, c’est porter son regard vers la terre, là où les choses prennent racine.

Pour le visiteur qui entre dans l’enceinte des Trinitaires, je crois qu’il y a en premier lieu un appel de la couleur. Une vingtaine de mètres le sépare encore du chœur de l’église, mais il est naturellement attiré par le jaune des mirabelles. Alors il avance. Et puis quelque chose l’arrête ou du moins le ralentit. Il découvre le grand rouleau de feuilles. Elles sont là, au nombre de deux milles, pointant vers le ciel, de petites tailles, quelques centimètres à peine, humbles et fragiles. Progressivement il se rend compte du labeur. Et en reprenant sa marche, son rythme n’est plus le même.

Mirabilis est une invitation à la lenteur. Il y a un chemin à parcourir avant de parvenir aux récoltes. Prenons le temps de le contempler. La nature est généreuse, choyons-la. Et puis, essayons de rester modeste face à elle. N’oublions pas que notre vie en dépend.

PL : L’installation relève d’une certaine patience, d’une attention à chaque détail, d’où l’expérience d’un émerveillement face à l’agencement subtil des fruits et feuilles du mirabellier. Nous sommes ainsi invités à prêter attention à la beauté ainsi qu’à la fragilité des arbres fruitiers… Comment vous positionnez-vous en tant qu’artiste vis-à-vis des enjeux liés au changement climatique ?

CH : Bien que la plupart de mes œuvres donnent à voir une lueur d’espoir, je reste très pessimiste face aux enjeux liés au changement climatique. Le rapport du GIEC est on ne peut plus alarmant. La question environnementale devrait être une priorité au niveau mondial. Les dommages créés par l’humain sont hélas irrémédiables. Et que faisons-nous ? Au niveau européen par exemple, l’autorisation de la mise en culture des terres en jachères à des fins productives est proprement scandaleuse. La terre a besoin de repos.

Alors oui, je suis pessimiste. Mais j’essaie tout de même à travers mes créations de sensibiliser le public à cette question du devenir de notre planète.

La nature est précieuse. Et parce que je lui porte un amour inconditionnel, je continue à vouloir lui rendre hommage.

Mirabilis, une exposition de Cécile Hug proposée la curatrice Viviane Zenner,  un projet de la galerie Des jours de lune, hors-les-murs.

A découvrir jusqu’au 8 mai à l’église des Trinitaires, Metz



Vernissage, avec Patrick Thil © galerie jours de lune

© cécile hug

© cécile hug

© cécile hug

© cécile hug

Dans l'émission la Boîte à M'Alice d'Alicia Hiblot

Viviane Zenner sur RCF radio

Les maisons végétales

© Cécile Hug - Les maisons végétales - N5 galerie

© Cécile Hug - Les maisons végétales - N5 galerie

« Les maisons végétales » sont de petits habitats de forme modeste et minimale. Elles sont sans fenêtre et transparentes, ouvertes sur l’intérieur, grâce au bain de cire que Cécile leur fait prendre. Ce sont des abris de nature, des espaces de préservation. Toit de fougère, mur de feuilles : bambou, érable du japon, carottes sauvages, roseaux et autres végétaux cueillis au Sud de Fontainebleau.

La structure des « maisons végétales » lui a été inspirée par la « Little Station », un Centre d’Art à Port Hope, au Canada, où l’artiste sera en résidence au printemps prochain. Un lieu qui comme la nature foisonne, en accueillant des artistes internationaux, en les invitant à s’épanouir et à partager leur récolte avec la communauté de Port Hope.

© Cécile Hug - Les maisons végétales - N5 galerie

Pour toute demande de renseignement et d’acquisition d’une des œuvres contacter la N5 galerie : 

Herbarium & Plant House Workshops

We are delighted to introduce you to Critical Mass artist-in-residence, Cécile Hug! Cécile Hug will be joining us for her residency in Port Hope this Spring 2021. 

 

Cécile explores the relationship of humans to nature and nature to humans – a vital but nevertheless often undermined link that unites them – and it is at the centre of her installations, drawings, sculptures and sound pieces.


At the origin of each of Cécile Hug’s creations, there is a gathering, whether it is plant, animal or sound. To gather is to observe, to walk, to listen, to feel, to choose. Born on the shores of the Lake of Geneva, with winegrowers for parents, Cécile grew up with the rhythm of nature. As a child, she took part in the harvest. She learned very early how to handle pruning shears. To observe before choosing the right cut. Cécile’s work allows her to prolong this transmitted gesture. Archaic gesture that nevertheless questions the future. With the fragility of our ecosystem, Cécile questions what will be the gatherings of tomorrow?


This weekend, Cécile invites the Port Hope community – children, teenagers, seniors, parents, beginners and experienced artists, to gather. No, we're not talking about a social gathering, but to get outside and immerse yourself in nature. She invites you to select and gather some of the diversity of Port Hope's vegetation, which will become part of a large herbarium and showcased in an exhibit at the Little Station. 


Cécile video walks you through her practice of gathering and gives you tips on how to select items for your herbarium, and shows you what materials you will need.


This weekend, we gather. Next weekend, on Saturday, October 10th, we make our Herbariums, plus an additional workshop will be announced soon to make a wax dipped plant house which would make a perfect centrepiece for Thanksgiving!


Let's show Cécile the natural diversity Port Hope has to offer, and help inform her research for her upcoming residency in Port Hope this Spring.

Critical Mass Art




Herbarium Workshop with Cécile Hug from Paris, France


Plant House workshop presented by Paris artist, Cécile Hug

Port Hope, Canada

Résidence au Centre du bout du monde, Portugal

 

© cécile hug

Nature à témoins, les récoltes est composé de témoignages d’habitants, de sons et d’images de la Serra da Estrela, une région ayant obtenu le statut de Parc naturel protégé et de réserve biogénétique.

J’ai posé quatre questions aux habitants de Manteigas et de Sabugueiro, de manière ouverte, sans aucune forme de jugement ; des questions simples, à propos de leur relation à la nature. Ce qui est donné à entendre dans le film, ce sont les réponses des habitants, en portugais. Les questions ont été coupées au montage. D’âges et de milieux différents, ils ont en commun ce lien fort à la nature qui les entoure. Une nature à la beauté vertigineuse, constituée de lacs, de rivières, de roches et de végétaux d’une grande diversité. Tous ont remarqué des dégradations ces dernières année et la plupart partagent une inquiétude face au devenir de notre planète. C’est une région très marquée par les incendies. À Sabugueiro notamment, village le plus élevé du Portugal, qui autrefois était entouré d’arbres, le paysage n’est plus que composé de roches et de genêt. Les pins et les marronniers ont disparu et mettront des années à repousser.

À Manteigas « Vale Por Natureza », la végétation a été relativement épargnée par les incendies ; les forêts se déploient encore majestueusement autour du vilage et les habitants ont à cœur de les préserver.
Nature à témoins, les récoltes est le premier volet d’un projet que j’envisage de faire voyager par la suite, et qui peu à peu s’enrichira des témoignages d’habitants de différentes régions, de différents pays, et qui progressivement formera un état des lieux de la relation de l’homme à la nature et des ressources naturelles dont la terre dispose.

Durée :
Vidéo 6 mn 38 sec

HD 1080p
Écran panoramique 16/9

Version originale portugaise

Image, montage, prise de son et réalisation : Cécile Hug


Photo de témoignage : © le centre du bout du monde

Photo de témoignage : © le centre du bout du monde

Photo de témoignage : © le centre du bout du monde

© cécile hug

Avec :
Manuel Lúcio Ferrão Neves
Maria da Conceição Pinto
José Duarte Saraiva
Luana
David Dias Correia
Nataniel Lopes da Rosa
Esmeralda Patrão
Antonio Pinto
Luis Serra
Carina Isabel Trindade Braz
Mário Branquinho
Femme croisée au bord de la rivière à Sabugueiro José Maria Serra Saraiva

© cécile hug

À 
Hostel Criativo do Sabugueiro
Et avec la télévision RTP 1

The Geumgang Nature Art Biennale 2020



The Korean Nature Artists' Association 'YATOO(野投)' is an art organization which was founded in 1981, and has developed as a field-oriented nature art movement
focusing on free expressions with installation, drawing, and performance. It is an art organization which has clear history and identity with the view of nature that we should comply with the order of nature and try to harmonize with it, and it has tried to express such a view through various means of modern fine art.
The Geumgang Nature Art Biennale is an important event of the YATOO nature art movement with the history of 40 years. The biennale is a global project from Korean and foreign nature artists, and the forms and contents of biennale have become increasingly meaningful over time.
The Nature Art Cube Exhibition ‘12×12×12+Nature’ of the 2020 Geumgang Nature Art Biennale, which took place at the Geumgang Natural Art Center in Gongju, Korea from June to August 9, contains the artist's individual thoughts and various expressions about nature in 12-centimeter cubes. The Nature Art Cube exhibition, which has been held since 2017, is one of the nature art movement. 227 nature artists from 39 countries have participated in this exhibition and it's been becoming a place sharing artistic messages about nature with one another. In this exhibition, Cecile Hug, Do Delaunay, Isabelle Aubry, Joel Thepault, Julien Masson, Patrick Demazeau, Pierre Guilloteau, total 7 French artists have participated.
Environmental pollution, ecological disturbance, abnormal climate and global warming we are experiencing now are the global issue all the humans in the world should face and find solutions. Plus, rapid development of digital culture makes people become more isolated from one another and difficult to communicate with one another.
In this context, this Nature Art Cube Exhibition ‘12×12×12+Nature’ displaying unique concepts, materials, expressive methods and visual messages of artists participating the exhibition will be a chance we are reminded of the meaning of 'nature' we always enjoy the benefits of, but easily forget preciousness of. It will be the space of reflection where we can communicate with each other and share our thinking through a special theme called 'nature art'.


The Geumgang Nature Art Biennale is an international Nature Art exhibition planned by Yatoo, the Korean Nature Artists' Association firstly established in 1981. Yatoo spreads Nature Art around Gongju in Chungcheongnam-do province. Based on Yatoo’s experience of organizing and hosting international nature art events since the early 1990s, the first Biennale was held in 2004, supported by the Ministry of Culture, Sports and Tourism, Chungcheongnam-do and Gongju City. Throughout three weeks the artists from all over the world live together and create their artworks. There are introductive sessions for nature art projects around the world, International Nature Art Seminar and other programs that children and citizens can participate during the biennale. The artworks of the artists are exhibited at Yeonmisan Nature Art Park, Geumgang Ssangshin Park and the visitors can observe how they interact with the natural context.


Yatoo - Yatoo is the name of the Korean Nature Artists’ Association that studies Nature Art. The meaning of the word Yatoo is to ‘throw in the field’; the word ‘(Ya)’ means the field or nature, the word ‘(Too)’ means to throw, or to express.


Nature Art - Nature Art is pursued by Yatoo since the early 1980s. Nature Art can be expressed by installation works to simple compositions created on the natural context. Through nature art, nature is not merely the target of expression but the new artistic medium that nature itself acts directly in art. It is Yatoo’s expressional method that contains Korean views bout nature that have always lived in harmony with nature.


Nature Art Park - The Nature Art Park is an alternative kind of sculpture park, where specifically Yatoo’s art is practiced. It is completely created by the Geumgang Nature Art Biennale. The lifecycle of the artworks created and installed in the park is constantly changed by the effects of nature and the passage of time.

Le Décalé, revue artistique et maritime

 Édition de 160 pages mettant en lumière le travail d’une quarantaine d’artistes.

Récits, illustrations, peintures, installations, reportage sonore, sont édités avec soin dans cette revue annuelle.

La faneuse



"L'horizon". Photo Clara Pagnussatt

Vue d'exposition. Photo Clara Pagnussatt

La génétique. Photo Clara Pagnussatt

Vue d'exposition. Photo Clara Pagnussatt

"Nuage de ciguë". Photo Clara Pagnussatt

"L'horizon". Photo Clara Pagnussatt

Vue d'exposition. Photo Clara Pagnussatt


La Faneuse
Cécile Hug 
ICI Galerie

Trouver sans avoir cherché, c’est trouver deux fois. Lorsqu’il s’agit d’un objet personnel, voire intime, c’est encore se retrouver soi-même, un peu. De cette expérience familière souvent anodine, il peut, avec le temps, comme une graine tombée à terre au gré du vent, surgir un germe qui fera son chemin.
Les photographies d’enfance de Cécile Hug sont comptées : à peine une quinzaine d’images, toutes regroupées dans un album. Un jour, au hasard d’un rangement, elle tombe sur la photo isolée d’une petite fille s’attelant à un tas de foin. Ce souvenir s’avère fécond chez celle qui se définit comme artiste cueilleuse, dont tout le travail tourne autour de la cueillette. Des végétaux, des insectes, des parties du corps recueillies dans des moulages qu’elle parsème au sol, à la manière d’un parterre de fleurs. Une telle foison, au fil du temps, annonce une moisson.
Il y a une noblesse dans la récolte du blé qui constitue la nourriture première de l’humain. La fenaison est un acte plus humble, une récupération de ce qui nourrit l’animal. Cependant il y a plus humble encore, le glanage. Un par un, les épis négligés sont recherchés le plus souvent par des femmes, des enfants, des oiseaux, loin de l’abondance des moissons.
Car si les œuvres de Cécile Hug évoquent les étendues dorées à perte de vue, la vue n’y trouve qu’un seul épi. Et l’on comprend que la faneuse est avant tout glaneuse, passant du geste horizontal du fauchage des herbes au mouvement vertical qui est comme une révérence devant la nature : la glaneuse scrute, distingue, s’abaisse, ramasse, se relève enfin. Et, se relevant, elle se voit, dans son indigence, revêtue d’une dignité nouvelle que lui confère cette proximité avec la nature, à l’instar de l’esclave hégelien qui par son intelligence de la nature acquise dans le travail imposé, devient supérieur au maître1. Ainsi, rien ne se perd tout est à prendre, à cueillir, comme le jour.
Cécile Hug dialogue avec la nature végétale et animale à travers les sens. L’œil qui a vu se fait témoin. Et si parfois les yeux se ferment ce n’est pas pour abandonner la nature mais pour mieux s’abandonner à elle, aux textures à la fois douces et revêches des épis, aux piaillements des oiseaux glanant un à un les grains délaissés, à l'enivrante « odeur amoureuse des foins coupés qui [s'exhale] matin et soir autour de la ferme »− la sensualité, toujours présente dans l’œuvre de Cécile Hug, est ici suggérée par les foins où les amants se cachent, à la fois le lieu qui suscite et accueille leurs ébats.
Ainsi, La Faneuse convoque une anthropologie écologique à travers ce dialogue du corps avec la nature aussi bien qu’une dimension historique du corps attelé aux travaux agricoles dont témoignent les représentations naturalistes du XIXème siècle3, avant l’industrialisation et les dérives de la surproduction. Elle se reconnaît par ailleurs dans le regard contemporain de Giuseppe Penone, qui double son œuvre amoureuse d’un regard amoureux sur la nature ; seulement, ses feuilles de laurier prolifèrent dans un espace clostandis que dans les murs limités qui accueillent l’œuvre de Cécile Hug s’ouvre devant nos yeux un ample horizon d’épis verts, comme une promesse.
Loin d’une vision nostalgique, cette œuvre nous interpelle aujourd’hui. Chaque épi de blé se présente à nous, dans sa petitesse, comme une exaltation de la beauté de la nature qu’il nous faut préserver des atteintes qui la menacent. Adossés aux plumes de l’oiseau et aux cils des yeux humains, ils sont prolongation de la vie dans le vivant.

Clara Pagnussatt, commissaire d’exposition indépendant

In G.W.F Hegel La phénoménologie de l’esprit, 1807André Theuriet La Maison des deux barbeaux, 1879Jean-François Millet Des glaneuses, 1857 ; Jules Bastien-Lepage Les foins 1877 Giuseppe Penone Respirer l’ombre 1999, Centre Pompidou